Que l’on soit cycliste ou triathlète, on ne va pas se mentir, le vent est souvent redouté. À l’entrainement ou en compétition, il a toujours un rôle majeur dans votre performance et peut drastiquement impacter votre vitesse.
De compagnon de sa sortie s’il souffle dans votre dos à l’aller, il peut rapidement devenir votre pire ennemi si vous l’avez en pleine face sur le chemin retour. Mais peu importe le sens du vent, on n’a pas le choix : il faut faire avec !
Alors, quelle est la bonne stratégie à adapter lorsqu’on roule face au vent ? C’est ce que nous allons vous expliquer dans cet édito. C’est parti !
Un peu de théorie
Tout d’abord, il parait essentiel de commencer par un peu de théorie. En effet, une notion clé et familière du triathlète va entrer en jeu : l’aérodynamisme !
Avec la force de gravité, principale responsable de la perte de vitesse en bosses, la force de frottement liée à l’air fait partie des éléments majeurs à prendre en compte pour rentabiliser les watts produits par vos cuisses.

Des mathématiques...
Posons les bases avec une formule mathématique qui va nous permettre de comprendre plus facilement les choses ! Celle-ci va permettant de calculer la puissance à produire pour contrer la force de frottement liée à l’air. La formule est la suivante :
Ici, ρ correspond à la densité de l’air, S à la surface frontale du cycliste, CX au coefficient d’aérodynamisme, VA à la vitesse du cycliste et VV à la vitesse du vent.
La densité de l’air ρ est indépendante de l’athlète et sera la même pour tout le monde en compétition. Cependant, il faut savoir que celle-ci impactera la vitesse, car la densité est en corrélation avec l’altitude, la température de l’air et la pression de l’air. Expliquer l’impact de la densité de l’air sur la vitesse demanderait un article complet, mais pour simplifier, il faut retenir que les conditions idéales pour aller vite sont : chaleur sèche et dépression atmosphérique sans pluie.
La surface S correspond à la surface frontale du cycliste exposée au vent. Attention cependant à ne pas confondre la surface d’exposition du corps au vent et l’aérodynamisme. Ce dernier correspond à CX dans l’équation. C’est une valeur sans unité et indépendante de la taille de l’objet. Plus il sera petit, plus l’objet sera aérodynamique. Pour avoir un ordre d’idée des valeurs et de leur évolution, un cycliste sur route des années 1970 avait un CX d’environ 0,75, un pistard des années 2000 avait un CX d’environ 0,50 et une voiture d’aujourd’hui à un CX d’environ 0,25. Aujourd’hui, les triathlètes professionnels les plus aérodynamiques s’approchent d’un CX de 0,40.
Pour VA et VV, on comprend que, si on a un vent de dos, la puissance nécessaire à l’avancement va diminuer. En revanche, si le vent est de face, on a VA + VV , ce qui implique que la puissance nécessaire pour lutter contre la résistance à l’air va augmenter exponentiellement avec la vitesse du cycliste.
Si on regarde la formule précédente dans son ensemble, la résistance à l’air est proportionnelle à la surface frontale du cycliste. Le seul aspect sur lequel l’athlète peut donc intervenir afin de réduire les contraintes, c’est en réduisant sa surface frontale S et son coefficient de trainée aérodynamique CX. Le produit de ces deux valeurs est appelé coefficient de pénétration dans l’air (SCX).
... et de l'analyse
Passons maintenant au calcul de puissance dans sa globalité. À celle pour contre la force de frottement liée à l’air, il faut ajouter celle dissipée par la gravité ainsi que celle dissipée par vos trains de pneumatiques. On peut aussi considérer la présence d’un facteur lié aux roulements du vélo qui sont toujours responsables d’une légère dissipation de puissance, d’où l’intérêt pour certains d’investir dans des roulements céramiques par exemple. On obtient donc la formule suivante :
La puissance dissipée par la gravité ou par les pneus est proportionnelle à la vitesse du cycliste. Cependant, la puissance dissipée par l’air est proportionnelle à la vitesse du cycliste au cube, ce qui explique à quel point elle est importante, surtout sur du plat ou la force de gravité est largement minoritaire.
En fonction des conditions météorologiques et du parcours, la répartition de la puissance dissipée va évidemment varier. Il est donc logique que la force de gravité rentrera davantage en compte dans lorsque la pente augmente.
On peut donc maintenant estimer, suivant la pente, la part de puissance dissipée par les forces de frottements de la transmission (en rouge), la force de frottement de l’air (en jaune), les forces de frottement des pneus (en violet) et la force de gravité (en vert). Graphiquement, on obtient le résultat suivant :




Vent de face, pourquoi c'est dur ?
La (réelle) force du vent
Faisons un petit point météorologique avant d’expliquer pourquoi c’est si difficile de rouler avec le vent dans le nez. Lorsque vous préparez le parcours de votre sortie vélo, vous regardez souvent le dénivelé et les routes à emprunter.
Il faut aussi regarder la météo ! Au-delà de la pluie ou du grand soleil, vous pouvez aussi voir la direction du vent et sa force (en km/h). Mais celle-ci est prise à 10 mètres du sol, ce qui veut dire qu’à hauteur du cycliste sur son vélo, le ressenti est divisé par deux. Si le vent souffle à 30 km/h, le ressenti réel est de 15 km/h sur le vélo. C’est tout de même largement suffisant pour avoir un impact considérable sur votre vitesse, surtout s’il souffle de face.
Combien de watts produire pour compenser ?
Mais alors, si je roule avec un vent de face, combien de watts faut-il produire pour conserver ma vitesse ? Cela va dépendre de deux choses : la force du vent et votre positionnement sur le vélo.
Pour la force du vent, si on considère un cycliste roulant à 30 km/h avec une position classique (mains sur les leviers de frein), il faudra qu’il produise 10 à 20 watts de plus pour maintenir sa vitesse contre un vent à 10 km/h par rapport au même effort sans vent. Puis, si la force du vent augmente, les watts à produire augmentent exponentiellement. On estime 50 à 70 watts de plus si le vent souffle à 20 km/h, 120 à 140 watts à 30 km/h et 220 à 240 watts à 40 km/h.
Pour certains athlètes, dans des conditions très venteuses, cela demande un effort insoutenable pour maintenir cette vitesse de 30 km/h. Doubler ou presque la puissance à produire reviendrait par exemple à faire une séance de tempo à intensité PMA, ce qui est logiquement impossible ! Dans le cas de conditions très venteuses, vous êtes donc obligés de ralentir si vous ne voulez pas faire augmenter la côte d’effort en flèche.

Pour l’effort solitaire, l’achat d’un vélo de contre-la-montre et une position aérodynamique vous permettront d’économiser des watts et de rendre l’effort moins difficile. En effet, cela va impacter le coefficient de pénétration dans l’air (SCX) dont on a parlé précédemment. Même le résultat d’une position aérodynamique est très individuel et va dépendre de la qualité de votre matériel et de votre position, on peut tout de même estimer les watts économisés.
Déjà, sans vent, le gain se fait ressentir puisqu’on estime à 30 watts l’économie de puissance réalisée en roulant à 30 km/h en position aérodynamique par rapport à une position classique. Avec un fort vent supplémentaire, vous ralentirez également, mais vous pourrez limiter cela grâce à une position optimale. Avec 40 km/h de vent de face, vous devrez produire « seulement » 160 à 170 watts pour maintenir votre vitesse de 30 km/h, contre environ 240 watts en position classique. On voit ici tout l’intérêt d’adopter la position la plus aérodynamique possible pour rouler plus vite à une puissance donnée ou économiser de l’énergie à vitesse égale.
Limiter les effets du vent sur la performance
Sur une course avec drafting
Dans le cas d’une course cycliste ou d’un triathlon ou le drafting est autorisé, vous allez pouvoir lutter contre le vent en roulant en groupe. En effet, vous allez pouvoir rester au chaud dans le peloton et profiter de l’aspiration des autres athlètes. On estime l’économie de puissance entre 20 et 50%, même si cela dépend de votre position dans le groupe et de sa compacité. Suivant la configuration de course et vos capacités à vélo, différentes options s’offrent à vous sur un triathlon.
Vous pouvez rester au chaud tout au long de la partie cycliste et ainsi arriver très frais en T2. Mais attention à votre placement pour ne pas vous endormir et rester attentif aux événements de course. Positionnez-vous au milieu du groupe pour limiter le risque de faire l’élastique et de vous faire décrocher par l’arrière. On note même une meilleure économie d’énergie en roulant au milieu du groupe qu’en queue de peloton. Cela vous permettra aussi d’être en meilleure posture en cas d’accélérations brutales d’un ou plusieurs coureurs.

Pour les meilleurs cyclistes, vous pouvez aussi travailler à l’avant du groupe même si vous allez devoir forcément déployer plus d’énergie. S’organiser en relais avec d’autres coureurs est alors la meilleure solution pour progresser efficacement dans le vent. Tour à tour, vous allez mener le groupe avec une durée de relai qui dépendra de vos capacités physiques et de la force du vent. Lorsque vous êtes en tête du groupe, veillez également à vous positionner du bon côté de la route si le vent est légèrement orienté sur le côté. Cela obligera un coureur qui voudrait attaquer à produire un effort bien supérieur puisqu’il ne sera pas abrité.
Sur une course sans drafting
À l’inverse d’une course cycliste comme le Tour de France, le drafting est interdit sur une grande majorité des triathlons. Rouler en groupe est donc proscrit, sous peine de recevoir une pénalité par les arbitres de la course. Suivant les organisations, on retrouve donc une distance minimale à respecter entre deux athlètes sur la partie cycliste (généralement de 12 à 20m) et avec un temps maximale autorisé pour le dépassement.

Il existe tout de même un intérêt à rouler en groupe sur triathlon sans drafting, tout en respectant les distances imposées, puisque cela permet d’économiser quelques watts (même à 20 m) et de suivre la dynamique de course. Cependant, votre positionnement va devenir primordial pour lutter contre le vent et l’avantage concurrentiel lié au matériel va s’amplifier. Si vous n’optimisez pas votre matériel et surtout votre position, vous n’irez pas plus vite qu’un athlète avec 50% moins puissant que vous, mais parfaitement posé sur sa machine.
Il est donc primordial de travailler sa position pour obtenir le meilleur compromis entre confort et performance. Bien choisir ses équipements avec une trifonction de qualité, des manchons aux mollets et casque aérodynamique vous permettra également de réduire votre SCX. Sur un parcours plat ou légèrement vallonné, votre vélo et ses composants seront aussi acteurs de votre performance. Une roue lenticulaire par exemple sera presque toujours préférable (même sur les championnats du monde IRONMAN de Nice avec 2400m de D+ sur 180 km) car la perte de puissance liée au poids sera largement compensé par les gains aérodynamiques sur les parties plates ou descendantes.
Pour finir, même si les triathlètes développent 5 à 20% de puissance en moins sur les prolongateurs que dans une position classique, ils doivent maintenir cette position face au vent. Se relever est la pire stratégie à adopter, car, même si vous allez pousser plus fort, vous allez surtout augmenter votre surface frontale et encore plus ralentir. Le meilleur choix est donc de s’efforcer d’être le plus aérodynamique possible tout en conservant sa zone de puissance cible. Peu importe la vitesse, vous irez forcément plus vite que des athlètes aussi puissants que vous, mais moins bien positionnés.
Le mot de la fin
Pour conclure cet édito, on peut voir que rouler face au vent est une notion primordiale à maitriser pour performer en triathlon. Que ce soit sur une course sans drafting ou avec, c’est un acteur majeur du résultat final de l’épreuve.
Sur le plat, l’aérodynamisme est la clé, car une très grosse partie de la puissance produite est absorbée par la résistance de l’air, qui augmente exponentiellement avec la vitesse. La gravité et donc le poids du cycliste et de son vélo est négligeable. On préfèrera donc toujours un vélo le plus aérodynamique possible même s’il pèse 1 ou 2 kg de plus que la grande partie des autres machines du parc à vélo. Contrairement aux montées où le rapport puissance/poids est essentiel à la performance, c’est le rapport puissance/coefficient de pénétration qui est ici prépondérant. La puissance brute de l’athlète est donc déterminante pour lutter contre le vent, à la condition que la position sur le vélo soit correcte.
Cela explique que les athlètes légers sont souvent défavorisés face au vent parce qu’ils disposent d’une puissance brute plus faible que les athlètes lourds. Mais dès que la pente s’élève, la force de gravité augmente alors que les autres forces diminuent. La gravité devient la force qui freine le plus le cycliste, et l’aérodynamisme compte moins. S’alléger dans les côtes est donc une question à se poser, mais attention à ne pas le faire au détriment de votre aérodynamisme sur les parties plates et descendantes. Tout n’est qu’une question de compromis.