En triathlon, on entend beaucoup parler des dernières innovations technologiques pour économiser quelques watts à vélo. Pourtant, bien avant ces (gros) investissements, il existe une chose à faire qui est souvent négligée : une étude posturale.
Avoir une machine adaptée à soi et être bien posé dessus est le socle de votre pratique à vélo, bien avant le travail technique sur la route ou l’entrainement réalisé. Dans le cadre de la préparation de ma saison de triathlon 2023, j’ai eu l’opportunité de rencontrer Alban Renaud, fondateur de « l’AR.E de Pédaler » près de Nantes, en Loire-Atlantique.
Au-delà de l’étude posturale réalisée sur mon vélo, nous avons eu l’occasion d’échanger sur l’importance de réaliser un bikefitting en triathlon. Amélioration du confort, prévention des blessures, développement du rendement… on vous parle de tout ça autour d’un café. ☕️
C’est parti !
Bonjour Alban et bienvenue sur Opentri.fr. Peux-tu te présenter et nous parler de l’AR.E de Pédaler en quelques mots ?
Je m’appelle Alban Renaud, j’ai 26 ans et je pratique le vélo depuis mon plus jeune âge. J’ai commencé la compétition à 14 ans, sous l’aile de mon grand-père puis de mon entraîneur qui m’a fait découvrir les joies de l’entrainement aérobie. Très vite, l’aspect optimisation de la performance a pris le dessus et est devenu pour moi une vocation.
C’est donc à la sortie du STAPS que je décide de créer « l’AR.E de Pédaler » avec pour objectif principal d’accompagner tous les cyclistes et de les aider à trouver des solutions pour leurs douleurs liées à leur activité. Ce sujet constitue l’activité principale aujourd’hui et une équipe de travail me permet de renforcer la qualité de la prise en charge. Celle-ci est notamment constituée de professionnels de la santé qui viennent me compléter lorsque c’est nécessaire.
👉 Aujourd’hui, l’AR.E de Pédaler, c’est plus de 1000 études posturales réalisées et 70 cyclistes suivis à l’entraînement.
À l’écart des célèbres solutions d’étude posturale proposées par Shimano, Retül, ID Match…, tu as développé ta propre méthode. Peux-tu nous en parler ? Sur quoi s’appuie-t-elle ?
La méthode élaborée associe une approche statique, dynamique et perceptive.
De nombreux cyclistes se plaignent de douleurs, d’inconfort ou s’interrogent sur leur matériel. Il y a un réel manque d’autonomie et de savoir sur le positionnement alors que c’est un domaine qui mériterait une attention particulière au vu de son influence significative sur la pratique sportive.
Nous avons donc décidé de mettre à profit la rigueur et les connaissances scientifiques acquises en
faculté des sciences et du sport, notre expérience de cycliste et notre connaissance du corps humain pour répondre aux besoins de tous les cyclistes. La méthode élaborée associe une approche statique, dynamique et perceptive. Elle n’est portée par aucun fabricant et tient sa source dans la réflexion avec différents spécialistes du monde du cyclisme (kinésithérapeutes, médecins, entraîneurs, préparateurs physiques, ingénieurs, ostéopathes, podologues).
Aujourd’hui, il est facile de trouver un vélo à sa taille par les nombreux outils et compétences qui existent. Cependant, avec des composants standardisés en fonction de la taille du cadre, il est plus compliqué d’adapter le vélo choisi, ce qui rend complexe l’individualisation de la position du coureur.
Autour de l’étude posturale, tu proposes différentes options facultatives. Quelles sont-elles et quel est l’intérêt dans la cadre de ton approche du bikefitting ?
Au sein du cabinet, je propose une étude posturale complète comprenant un bilan complet avec analyse dynamique, le réglage des cales, l’essai de nouveaux composants (selle, potence, cintre, manivelle…).
Autour de celle-ci, différentes options peuvent être choisies pour renforcer la qualité de l’étude.
Un bilan biomécanique préalable réalisé par un kiné/ostéopathe permettra d’aller plus loin dans l’analyse de la biomécanique du sportif. Déceler des tensions musculaires, des déséquilibres, analyser les interactions entre les chaines musculaires permettra de proposer des réglages encore plus fins et pertinents lors de l’étude posturale.

Également, et spécifiquement pour les triathlètes, je propose une analyse et une optimisation de la surface frontale grâce à la soufflerie virtuelle. En triathlon, 80% de la résistance aérodynamique est liée au cycliste et à son équipement. Être parfaitement positionné et réduire sa surface frontale permet donc une amélioration conséquente de la performance.
💡 À ~40km/h, 80% de la résistance totale est liée à la résistance aérodynamique, cette dernière directement reliée à l’ensemble cycliste + machine.
Maintenant, peux-tu nous parler du déroulement d’une étude posturale au sein de ton cabinet ?
Tout d’abord, je demande systématiquement à l’athlète de compléter une fiche d’informations avant notre rendez-vous afin de mieux connaitre son expérience, ses objectifs, son matériel, ses pathologies…
Cela me sert de base à l’étude et, lors du rendez-vous, je commence par éclaircir certains points pour affiner le profil sportif de l’athlète. Ensuite, ceux qui ont souscrit à l’option kiné/ostéopathe passent entre les mains de mon collègue afin de dresser un bilan fonctionnel et biomécanique complet. Pour finir et avant de monter sur le vélo, je contrôle quelques données anthropométriques et morphologiques (taille, poids, longueurs des membres, allure anatomique des genoux…)
Ensuite, je demande au sportif de pédaler dans sa position initiale, avant tout réglage, dans le but d’analyser les axes à travailler. Débute alors l’optimisation de la position en commençant par les cales, puis la selle et enfin le poste de pilotage.
Au contraire d’une étude portée par un fabricant (Shimano, Retül…), je ne m’appuie pas sur des chiffres déterminés par leur base de données. Je préfère effectuer les réglages au fur et à mesure avec un feedback direct de l’athlète. Évidemment, je m’appuie sur les angles mesurés entre les segments, mais ces valeurs ne doivent pas être une fin en soi.
En fin d’étude, je fournis au sportif un compte rendu détaillé de son étude avec son profil sportif, les réglages effectués en détail, les changements de composants recommandés et les prises de vues des positions avant/après. J’assure également un suivi à long terme de l’athlète pour répondre à ses éventuelles questions.
Parlons à présent plus en détail du triathlon ! Abordes-tu l’étude différemment entre un cycliste et un triathlète ? Et, tous les triathlètes n’ayant pas les moyens de s’offrir un vélo de contre-la-montre, comment adapter son vélo de route au triathlon par l’ajout de prolongateurs ?
L’objectif principal va être de favoriser l’économie musculaire de la chaine postérieure chez le triathlète
Que ce soit en triathlon ou en cyclisme sur route, le plus important restera toujours de trouver le meilleur compromis entre le confort et l’efficacité. En termes de positionnement pur, il y aura donc peu de différences entre un cycliste et un triathlète.
L’objectif principal va être de favoriser l’économie musculaire de la chaine postérieure chez le triathlète, qui sera fortement sollicitée en course à pied à la pose du vélo. Aussi, la position du triathlète n’est pas normée par l’UCI (Union Cycliste Internationale), ce qui permet d’adapter la position à sa guise et sans être limité par la réglementation.

Concernant les vélos de route avec prolongateurs, ils sont devenus la norme sur les triathlons courte distance avec drafting. L’objectif reste le même que sur un vélo de contre-la-montre : la réduction de la surface frontale pour maximiser l’aérodynamisme.
Généralement, on adapte le placement des prolongateurs pour que le triathlète puisse garder la même position du buste et de la tête qu’avec les mains en bas du cintre. Il vient donc seulement bouger ses bras pour les placer sur les repose-bras et ainsi réduire encore plus la surface frontale.
Le triathlon est un sport qui a la réputation de vite couter cher et l’étude posturale représente un investissement de plus à faire. Pour ceux n’ayant pas les moyens, est-il possible de faire un « fit à la maison » ? Si oui, comment et quelles erreurs éviter ?
L’étude posturale est un investissement que le triathlète (ou cycliste) devrait placer tout en haut de sa liste de priorité
Selon moi, l’étude posturale est un investissement que le triathlète (ou cycliste) devrait placer tout en haut de sa liste de priorité. En effet, il est courant d’acheter un vélo à plusieurs milliers d’euros sans pour autant réfléchir au fait qu’il soit adapté ou non. Placer 150 à 300 euros dans une étude posturale me parait donc plus judicieux.
Toutefois, si vous ne souhaitez pas en réaliser, il est possible d’ajuster sa position et limiter le risque de blessure par quelques astuces simples. D’abord, pour le positionnement des cales, il faut contrôler l’orientation de vos membres inférieurs pour s’adapter à une éversion prononcée par exemple. Ensuite, il faut régler la hauteur de selle par rapport à la mesure de l’entrejambe ainsi que son recul en appliquant la méthode du fil à plomb.
Enfin, il faut adapter le poste de pilotage (hauteur du cintre et longueur de potence) pour avoir un bon relâchement du haut du corps et trouver le meilleur compromis confort/performance. Cela constitue déjà une bonne base de travail.
Aussi, je propose une étude posturale en 2 temps pour les athlètes n’ayant pas de vélo (ou pour ceux souhaitant en changer). Cela me permet de vous proposer un cadre et des composants adaptés en fonction du bilan biomécanique réalisé. À l’achat du nouveau vélo, nous avons donc simplement à ajuster les réglages pour optimiser la position déterminée précédemment.
En triathlon, les durées d’effort varient énormément (de 1h pour un format S à plus de 15h pour un IRONMAN). Est-ce que ces distances ont un impact sur l’étude réalisée ? Et est-il important d’avoir un suivi régulier, surtout en cas d’évolution des formats de courses choisis ?
En règle générale, je suis une règle simple qui est celle de privilégier le confort à la performance quand la distance s’allonge. En effet, le confort et l’économie musculaire vont devenir une composante clé de l’effort quand celui-ci va devenir long.

Évidemment, pour quelqu’un qui va chercher la performance, il faudra ajuster ce compromis mais cela va énormément varier en fonction de l’expérience de l’athlète et de sa biomécanique générale. Un sportif sera capable de performer en tenant une position agressive sur 180km là ou un autre devra privilégier le confort même sur une distance courte de 20km.
Concernant le suivi, il est pour moi essentiel à long terme. C’est pourquoi je reste disponible à l’échange les mois qui suivent l’étude et propose des consultations de suivi pour analyser les changements mineurs de matériel par exemple. Aussi, au fil des années, l’athlète gagne en expérience, devient plus mobile, change d’objectifs… Tout cela a un impact sur la position car le corps évolue et s’adapte sans arrêt.
Dernière question avant de clôturer cet échange, existe-t-il des différences entre les hommes et les femmes ? Que ce soit en termes de positionnement ou de choix de matériel ?
D’un point de vue anatomique, nous sommes différents et le point d’attention majeur sera au niveau de l’assise. La femme étant plus sensible, le choix de selle et l’ajustement de celle-ci sera donc primordial. En revanche, pour le reste du positionnement, le travail effectué sera le même qu’avec un homme.
💡 Le choix d’une selle femme diffère en nombreux points : largeur de bassin plus importante, différence de hauteur de la symphyse pubienne, tissus mous davantage innervés et donc sensibles,… Autant de critères à prendre à compte !
Globalement, nous conseillons donc une selle plus large, assez haute sur l’arrière, et évidée en son centre pour les femmes.
Pour le choix du vélo et de ses composants, on entend beaucoup parler des cadres féminins actuellement. Pour moi, il n’y a pas de raisons spécifiques pour choisir ce type de cadre car l’adaptation va surtout se jouer au niveau du choix des composants en prenant, par exemple, des manivelles plus courtes, une potence plus petite, un cintre plus étroit… De nombreuses athlètes féminines utilisent un cadre classique avec des composants adaptés à elles.
Alban, je te remercie pour cet échange de qualité qui nous apprend énormément de choses sur le sujet du bikefitting !