La carrière du triathlète est rarement sans encombres et, peu importe notre niveau, on rencontre tous des blessures ou des douleurs venant impacter notre pratique. Périostite, aponévrosite plantaire, fractures de fatigue…, on ne compte plus le nombre de douleurs potentielles.
Aujourd’hui, on va parler d’un syndrome qui est très connu et qui touche une grande majorité de triathlètes au moins une fois au cours de leur carrière sportive : le syndrome de l’essuie-glace. Si vous en souffrez actuellement, ce n’est pas une fatalité ! Nous allons voir ensemble comment le traiter et le prévenir à long terme.
C’est parti !
Quelques notions d'anatomie
Même si vous n’êtes pas expert en anatomie, ou bien que ce sujet vous désintéresse, comprendre ce qui passe dans votre corps est très important. En effet, cela permettra de visualiser exactement ce qui cause vos douleurs et comment agir dessus.
Bandelette, TFL, fascia lata...
Il existe un grand nombre de dénominations différentes pour parler du syndrome de l’essuie-glace. Professionnel de santé, entraineur, sportif amateur…, nous n’employons pas tous le même terme pour parler de cette douleur. Tendinopathie du fascia lata, syndrome de la bandelette ilio-tibiale et syndrome de l’essuie-glace, ces noms barbares désignent en réalité la même chose.
L’anatomie des membres inférieurs étant très vaste, nous allons nous attarder que sur les zones qui nous intéressent pour éclaircir certaines confusions fréquentes. Concernant le fascia lata, il s’agit d’une membrane fibreuse qui vient recouvrir les muscles de la cuisse et s’insérer sur la bandelette ilio-tibiale. Ce fascia a la particularité de présenter un épaississement le long de cette bandelette.
Pour ce qui est de la bandelette ilio-tibiale, il s’agit d’une bande tendineuse présente le long de la cuisse. Celle-ci s’insère, en haut, sur la crête iliaque et, en bas, sur la partie latérale supérieure du tibia. Attention à ne pas confondre cette bandelette, qui est un tendon, avec le tenseur du fascia lata, qui est un muscle. Ce dernier, lui aussi, s’insère en haut sur la crête iliaque. Pour la partie inférieure, il viendra directement s’insérer sur la bandelette ilio-tibiale.

Lorsqu’on parle du syndrome de l’essuie-glace, on comprend alors facilement qu’il s’agit d’une inflammation dans une zone de la cuisse ou les interactions sont nombreuses. En effet, la bandelette ilio-tibiale est liée aux muscles du grand fessier et du tenseur du fascia lata. Une inflammation ou une tension dans cette zone clé de la cuisse va donc provoquer des douleurs et impacter votre pratique.
Comment survient le syndrome de l'essuie-glace ?
Maintenant que les termes anatomiques sont éclaircis, il est temps d’attaquer le cœur de sujet : l’inflammation. Lorsqu’on recherche des informations sur le syndrome de l’essuie-glace, on retrouve souvent la même explication.
On nous explique que lors du mouvement de flexion du genou, en course à pied ou à vélo, la bandelette ilio-tibiliale vient exercer un trajet d’avant en arrière, à l’image d’un essuie-glace. Cela provoquerait une pression contre le condyle latérale du fémur, ce qui, à terme, viendrait inflammer la zone. Cependant, lorsqu’on se penche sur des études scientifiques plus récentes ou que l’on s’adresse à un professionnel de santé spécialisé en course à pied, cette théorie est largement remise en cause.
Si on regarde de plus près l’anatomie de la bandelette au niveau du genou, on se rend compte que celle-ci vient s’insérer sur le tibia ET sur le fémur. Ce qui ne parait donc qu’un détail est en réalité très important puisque cela réduit fortement le mouvement latéral décrit précédemment. Mais que se passe-t-il alors ?
Cela signifie que la douleur ressentie au niveau du genou est plutôt liée à une tension au niveau de la bandelette ilio-tibiale. Cette tension va engendrer un mouvement de compression au niveau du genou. En résulte une inflammation d’une bourse graisseuse ou d’une bourse synoviale qui aurait subi une pression trop importante de la part de la bandelette. La désignation « syndrome de l’essuie-glace » devient alors totalement erronée.
À noter également que cette blessure arrive très progressivement. D’une petite gêne bénigne, la douleur va ensuite complètement s’installer si vous l’ignorez ou si vous n’agissez pas activement dessus. En effet, le syndrome de la bandelette ilio-tibiale apparait généralement par compensation d’un problème interne ou externe.

Les causes de la douleur
Pour ce type de douleur, il est très important d’identifier l’origine du problème. En effet, vous aurez beau vous arrêter et vous reposer, si vous n’agissez pas activement sur le problème, la blessure reviendra dès que vous reprendrez.
Les causes liées à votre matériel
Pour les triathlètes, on remarque deux causes possibles de blessure liées à votre matériel : les chaussures de course à pied et le vélo.
Vos chaussures de course à pied peuvent déclencher ce type de douleur si elles sont trop usées. En effet, le kilométrage va venir dégrader l’amorti de la semelle plus rapidement que votre corps ne s’adaptera à ce changement. Également, on retrouve de plus en plus de chaussures vendues avec comme correctrice de pronation ou de supination. Avec l’usure, la correction aura l’effet inverse de celui de départ puisqu’elle viendra accentuer un peu plus les défauts d’appui du coureur.
Un mauvais réglage de votre vélo peut aussi vous provoquer un syndrome de la bandelette ilio-tibiale. En effet, si votre selle est trop haute, trop basse, avancée ou reculée, cela peut avoir des effets néfastes sur l’articulation du genou. Mais comme il n’y a pas d’impacts à vélo, la douleur ne se fera pas ressentir alors qu’elle sera décuplée en course à pied. Assurez-vous donc d’avoir un vélo parfaitement réglé avant de vous pencher sur des causes liées à la course à pied.
Les causes liées à votre environnement de course
Votre environnement de course peut également être un facteur de douleur, même si c’est plus rare. Si vous courez toujours sur du bitume, vous pouvez être sujet à un syndrome de la bandelette ilio-tibiale. En effet, l’impact sera plus important que sur une surface souple et engendrera un stress mécanique supérieur. Varier les surfaces et les terrains vous permettra donc une adaptation plus progressive de vos tissus. Cherchez donc autour de chez vous des sentiers de forêt ou un terrain de football.
Particulièrement pour les plus urbains, la course sur sol incliné peut vous occasionner ce type de douleur. En effet, si vous empruntez toujours le même itinéraire et que le trottoir est incliné de quelques degrés, la répétition de ces impacts asymétriques peut générer des traumatismes. Si vous ne pouvez pas courir sur d’autres parcours, veillez donc à alterner le sens de votre circuit pour éviter de développer des déséquilibres.
Les causes liées à votre entrainement en course à pied
Attaquons maintenant des causes plus courantes avec celles qui sont liées à votre entrainement en course à pied.
Premièrement, votre plan d’entrainement peut être le fautif n°1. En effet, si vous n’êtes pas assez progressif dans votre volume et dans votre intensité, cela peut générer ce type de douleur. Nous avons tous des différences anatomiques plus ou moins marquées, mais le corps saura s’adapter si le stress imposé est cohérent et contrôlé. Veillez donc à respecter les principes fondamentaux de l’entrainement : régularité, progressivité et variété. Commencez alors par instaurer la fréquence de votre entrainement, puis à augmenter doucement la durée de vos sorties pour enfin inclure l’intensité.
Votre technique de course peut aussi vous provoquer un syndrome de la bandelette ilio-tibiale même si ce point est largement remis en cause. Une cadence de pas trop faible ou une attaque de pied sollicitant trop les genoux peut venir accentuer un point faible déjà présent. Votre technique de course ne sera donc pas le problème en lui-même, mais un facteur aggravant. Prenons l’exemple de Nicolas Navarro, un des meilleurs marathoniens français. Il a une attaque talon plutôt prononcée, mais cela ne l’empêche pas de cumuler des semaines entre 200 et 250 km et de courir le marathon en 2 h 06′ 45″. Cela est permis grâce à un renforcement musculaire suffisant et un plan d’entrainement cohérent.

Les causes anatomiques et musculaires
Enfin, les dernières causes sont celles liées à votre musculature et à votre anatomie. Nous sommes tous différents et nos points faibles, si on ne les identifie pas, peuvent vite devenir des facteurs limitants à notre entraînement. La bandelette ilio-tibiale s’étend de la hanche au genou et fonctionne comme un élastique. Si une tension s’applique d’un côté, elle va se répercuter sur l’autre côté. Il faut donc identifier les facteurs de tension au niveau de la hanche et au niveau du genou.
Si, lorsque vous courrez, votre bassin a tendance à être instable et à s’incliner, cela va venir augmenter l’étirement de la bandelette au niveau de la hanche. Par conséquent, cela va créer une pression au niveau du genou. Avec la même logique, si votre genou est instable et chasse vers l’intérieur, la rotation interne du fémur va venir sur-étirer la bandelette ilio-tibiale. Il s’agit d’un valgus dynamique. Plus rare, le varius dynamique où les genoux chassent vers l’intérieur peut également causer un syndrome de la bandelette ilio-tibiale. Enfin, avec la cheville, on observe le même phénomène. Si celle-ci manque de stabilité, cela peut venir engendrer une rotation interne au niveau du tibia et du fémur, ce qui va générer ce type de douleur.

L‘instabilité générale du corps lors de la course à pied est donc un risque de blessure très important sur lequel travailler. Pour travailler sur ce déficit musculaire, consulter un kinésithérapeute vous permettra d’avoir une routine d’exercices à réaliser pour limiter le risque de blessure. Si vous n’avez pas encore ce type de douleur, il peut toutefois être intéressant d’effectuer régulièrement une routine de renforcement musculaire pour prévenir les blessures. Vous allez donc pouvoir renforcer vos abducteurs de hanche et tous vos muscles stabilisateurs avec des exercices statiques et dynamiques. Le travail sur un pied vous permettra également de développer votre équilibre et votre proprioception.
Les tensions musculaires peuvent aussi causer des douleurs. En effet, un muscle qui présente des tensions trop importantes va venir augmenter les zones de compression. Pour ce qui est du fascia, ce tissu fibreux qui recouvre les muscles, celui-ci peut aussi accumuler des tensions importantes. Dans le cas où celles-ci créent des points d’adhésion entre le muscle et le fascia, le glissement entre les deux est de moins en moins fluide. Cela peut causer, à terme, des douleurs au niveau du genou.
Le massage va pouvoir vous aider à réduire les tensions. Celui-ci ne sera jamais aussi bien réalisé que par un kinésithérapeute dont c’est le métier. Mais si vous n’avez pas accès à ce type de soin, vous pouvez réaliser des automassages avec un rouleau, une balle ou une canne de massage. La bandelette ilio-tibiale étant une surface tendineuse très épaisse, il sera très difficile de venir libérer les tensions. En revanche, il peut être intéressant de venir travailler sur les muscles liés : grand fessier, quadriceps, ischios-jambiers… En France, nous avons la chance d’avoir un expert sur les automassages en la personne de Christophe Carrio. Son contenu peut vous aider à trouver des exercices adaptés. Les étirements statiques et dynamiques peuvent aussi vous aider à relâcher les tensions au niveau de la bandelette ilio-tibiale et des muscles alentours.

Que faire si j'ai mal ?
Consulter un professionnel de santé
La première chose à faire est de consulter immédiatement un ou plusieurs professionnels de santé. Cela vous permettra d’établir un diagnostic exact et de bénéficier de conseils et d’exercices adaptés pour soigner cette blessure.
Aujourd’hui, avec l’abondance d’informations sur le web, les sportifs ont la fâcheuse tendance à s’autodiagnostiquer telle ou telle blessure. Or, pour 99 % d’entre eux, ils ne sont pas experts et ils peuvent se tromper de diagnostic. Se rapprocher d’un professionnel de santé vous permettra donc d’avoir des certitudes sur la nature de votre blessure et de bénéficier de conseils avisés pour vous remettre sur pied le plus rapidement possible. Également, vous pourrez mettre en place une routine d’exercices de prévention. Consulter un professionnel de santé vous permettra ainsi de revenir à votre charge d’entrainement habituelle plus rapidement, de limiter le risque de rechute et de faire de la prévention sur le long terme.
Dans un premier temps, un médecin du sport pourra réaliser différents tests pour confirmer ou non s’il s’agit d’un syndrome de la bandelette ilio-tibiale. Il pourra aussi vous faire une échographie pour évaluer le degré d’inflammation de la bourse touchée. À l’issue de la consultation, il pourra vous orienter vers un podologue et/ou un kinésithérapeute.
Le rôle du podologue va être d’analyser votre foulée et votre pose du pied pendant la course à pied. L’examen réalisé aura pour but de déterminer les faiblesses et les douleurs spécifiques afin de les limiter, voire de les faire disparaître. Dans le cadre d’un syndrome de la bandelette ilio-tibiale, le port d’orthèses plantaires (semelles orthopédiques) sur-mesure peut vous accompagner à la rééducation. En effet, elles auront pour rôle de corriger vos défauts en positionnant au mieux l’appui plantaire et en limitant les stress répétés pouvant déclencher cette pathologie. Le corps a la capacité à s’adapter à beaucoup de contraintes. En lui laissant le temps, avec une phase transitoire, vous pourrez petit à petit revenir à votre charge d’entrainement habituel puis vous passer des orthèses plantaires.

Le kinésithérapeute, quant à lui, va vous accompagner dans votre remise en charge avec des consultations régulières (2 à 4 fois par mois). Avant de vous commencer votre rééducation, il va d’abord étudier votre passé sportif pour comprendre ce qui a pu causer cette blessure. Puis, avec différents tests, il va déterminer précisément les axes de travail à réaliser. Il peut s’agir d’un déficit de mobilité ou musculaire par exemple. Il va également vous donner des exercices à réaliser et des conseils sur votre remise en charge progressive de la course à pied. L’accompagnement régulier lui permettra d’ajuster ses conseils pour que vous puissiez revenir à une activité physique normale le plus rapidement possible.
Les traitements à court et long terme
Les conseils donnés dans cette rubrique sont généralistes et peuvent vous permettre de soulager les tensions au niveau de votre bandelette ilio-tibiale. Cependant, ils ne seront jamais aussi individualisés que ceux prescrits par un professionnel de santé, car nous sommes tous différents. Nous avons tous nos propres capacités musculaires, de récupération ou de mobilités.
À court terme, il est d’abord recommandé d’éviter les entrainements douloureux pour rester sur une activité physique sans douleur. Pour ce qui est de la course à pied, si la douleur n’apparait qu’après 15 min d’effort, vous pouvez courir un peu sans déclencher cette douleur. Vous pourrez alors rapidement progressivement repousser ce temps d’apparition de la douleur. Conserver une activité physique, si elle est bien dosée, vous permettra d’améliorer considérablement votre temps de guérison. Également, vous pouvez courir sur des surfaces plus souples (chemin, gazon) pour limiter le stress lié aux impacts. Courir sur un terrain plat est par ailleurs recommandé puisque le dénivelé positif et négatif vient accentuer le stress mécanique sur le genou.
Dans le cadre du triathlon, vous pouvez continuer la natation et le vélo normalement s’ils ne vous causent pas de douleurs. Attention cependant à votre position sur le vélo qui, si elle est mauvaise, peut être précurseur d’un syndrome de la bandelette ilio-tibiale. Cela peut être le bon moment pour réaliser une étude posturale pour avoir un positionnement qui allie confort, efficacité et limitation du risque de blessure.
À long terme, pour prévenir le syndrome de l’essuie-glace, il s’agira de faire preuve de progressivité dans votre charge d’entrainement. En effet, faire preuve de régularité et augmenter son volume kilométrique de 5 à 10 % par semaine vous permettra une mise en charge progressive en limitant le risque de blessure. Avoir une routine de mobilité et de renforcement est également un point à considérer pour travailler sur les points qui vous ont fait défaut.
Le mot de la fin
Comme nous avons pu le voir, le syndrome de l’essuie-glace, ou plutôt le syndrome de la bandelette ilio-tibiale, est une douleur complexe et très courante en course à pied. Il est difficile de proposer un protocole fixe tant les causes possibles sont vastes.
Plus généralement, il est recommandé de consulter un professionnel de santé pour identifier les facteurs de risques. Vous n’allez donc pas venir travailler sur la bandelette ilio-tibiale, mais sur tous les muscles et fascia autour qui pourraient générer des tensions sur la bandelette.
À long terme, adopter une routine de renforcement, ou au moins réaliser un cycle de prévention de blessure à chaque saison, parait indispensable pour prévenir les douleurs susceptibles de gêner votre préparation.