Pour de nombreux athlètes, la performance en triathlon est souvent corrélée à la réussite de la partie course à pied. En effet, après avoir nagé et rouler, le corps est déjà fatigué à l’entame de cette dernière épreuve. On distingue alors les triathlètes qui vont réaliser une belle course à pied de ceux qui vont terminer leur triathlon dans la difficulté.
Souvent, ces derniers sont victimes de la mauvaise gestion des deux précédentes disciplines ou du manque d’entraînement spécifique à la T2.
Physiologie et méthodologie d’entraînement, ce guide va vous apporter les clés nécessaires pour optimiser l’enchaînement vélo-course à pied.
Enchaînement : ce que dit la science
Comprendre la consommation d’oxygène
Depuis plusieurs dizaines d’années, le sujet de l’adaptation physiologique lors d’enchaînements d’activités (comme en triathlon) a fait l’objet de nombreuses expérimentations. Les plus récents ont analysé plus précisément l’effet des enchaînements d’exercices sur la consommation d’oxygène, aussi appelée VO2. Celle-ci est principalement affectée par deux paramètres : la masse musculaire recrutée lors du premier exercice et sa charge métabolique.
En triathlon, il est donc facilement compréhensible que la sollicitation préalable de masses musculaires impliquées lors de la course à pied entraîne une augmentation de VO2 moins importante par rapport à la sollicitation préalable de masses musculaires différentes. Aussi, de nombreuses études ont mis en évidence que la cinétique de VO2 lors de la course à pied était significativement accélérée par la réalisation préalable du cyclisme à intensité élevée (supérieure au seuil anaérobie).
Optimiser le coût énergétique
La performance en triathlon dépend donc de la capacité du triathlète à maintenir une vitesse maximale de déplacement pendant toute la durée de l’épreuve tout en réduisant le coût énergétique de son activité. Des corrélations significatives ont ainsi été mises en évidence entre la performance en triathlon et le coût énergétique de la partie cycliste, dont la durée représente plus de 50% de la durée totale de la compétition.
Dans une perspective d’optimisation de la performance en triathlon, cela soulève l’interrogation de l’influence de la dépense énergétique en cyclisme sur la performance réalisée en course à pied.
Comparativement à une épreuve de course à pied seule, celle en triathlon montre une augmentation du coût énergétique, du débit ventilatoire et de la fréquence cardiaque chez le triathlète. Aussi, on constate une altération des paramètres du mouvement comme la longueur de foulée. Ainsi, ces observations montrent un effet négatif et systématique du cyclisme sur les capacités de l’athlète en course à pied.

Position, puissance, cadence… quels sont les facteurs clés ?
On peut donc déduire de la partie précédente que, quel que soit son niveau de pratique, le triathlète doit adapter sa position, la puissance développée et sa cadence de pédalage en cyclisme. En effet, il va vouloir trouver le meilleur équilibre entre les paramètres énergétiques, biomécaniques et musculaires.
En ce qui concerne la position adoptée sur le vélo, de nombreux paramètres vont être pris en compte afin d’optimiser le confort du triathlète et limiter la fatigue des muscles sollicités lors de la course à pied. Pour cela, il est recommandé d’effectuer une étude posturale, auprès d’un professionnel. Par le réglage des cales, du cintre et de la position de la selle, vous allez devenir plus efficace en course.
Ensuite, la puissance développée par le triathlète va avoir une conséquence directe sur la performance. En effet, il a été montré qu’une variation importante de la puissance au cours de l’exercice était négatif sur la performance. Pour la même puissance normalisée, on observera une dégradation musculaire et énergétique plus importante au cours d’un effort à fortes variations comparativement à un effort constant. Également, une surévaluation de la puissance cible par l’athlète au cours de l’épreuve aura un impact négatif sur la course à pied.
👉 Il sera préférable, par exemple, de viser 10 à 15 watts de moins afin de limiter la fatigue musculaire pour la dernière épreuve.
Enfin, en ce qui concerne la cadence de pédalage, les athlètes ont tendance à adopter une cadence libre autour de 90 rpm. Chez des triathlètes pratiquant le cyclisme depuis de nombreuses années, cette cadence est associé induite par un processus d’apprentissage. Or, en l’état actuel des connaissances, cette cadence de 90 rpm est loin de celle définie comme étant l’optimum énergétique. Celle-ci a été déterminée théoriquement à 72 rpm par Neptune et Hull en 1999.
On remarque donc une différence importante entre la cadence libre naturelle et celle optimale d’un point de vue énergétique. En triathlon, l’adoption de cette dernière induit une réduction de VO2 alors qu’une cadence plus élevée (supérieure à 80 rpm) est associée à une diminution de l’efficience énergétique. La modification du recrutement des fibres musculaires et les variations hémodynamiques (circulation du sang dans les vaisseaux sanguins) pourraient expliquer cette évolution de la consommation d’oxygène au cours des enchaînements.
Cependant, l’hypothèse selon laquelle l’adoption de la cadence de pédalage optimale influence positivement la performance de l’athlète en course à pied ne permet pas aujourd’hui de conclure aux différentes stratégies de course à adopter lors de la partie cyclisme. En effet, les triathlètes de haut niveau préfèrent adopter des cadences élevées juste avant la transition afin d’optimiser le déroulement de la course à pied. Les critères de choix de la cadence de pédalage et des facteurs qui déterminent la performance en course à pied sont donc multiples et semblent dépendre des contraintes de l’activité et du niveau d’expertise du triathlète.
L’impact du drafting
L’intégration du drafting dans certaines compétitions a contraint les entraîneurs à modifier les programmes d’entraînement en considérant la partie course à pied comme la plus importante. Cela a aussi amené les scientifiques à s’interroger sur les aspects bénéfiques du drafting au niveau physiologique. Celui-ci se définit comme un processus d’aspiration permettant une réduction des résistances frontales à l’avancement chez un cycliste qui se positionne derrière un autre cycliste.
D’après Hausswirth et coll. en 1999, au cours d’un triathlon sprint, on constate une réduction des valeurs de VO2, de fréquence cardiaque et de lactatémie lors d’une épreuve avec drafting comparativement à l’épreuve de cyclisme réalisée sans drafting. La réduction de cette charge métabolique induit donc une amélioration de la performance en course à pied. Néanmoins, les valeurs chronométriques relevées restent significativement plus importantes que celles de la course à pied isolée. Cela suggère une altération de la performance lors de la course à pied réalisée à la suite d’une épreuve de cyclisme, quelle que soit la modalité (avec ou sans drafting).

Quel entrainement pour devenir performant ?
Après avoir posé les bases physiologiques de l’enchaînement cyclisme-course à pied, il est temps d’aborder la face concrète du sujet : l’entrainement.
Il a été démontré que le travail des enchaînements vélo – course à pied est primordial pour s’assurer d’être performant le jour de votre compétition. Ce travail spécifique n’est pas nécessaire tout au long de l’année. Cependant, il est recommandé d’y accorder une importance particulière à l’approche des échéances. La saison de triathlon débutant au printemps (début mars pour le duathlon), débuter ce travail à la fin de la préparation hivernale semble donc idéal pour (ré)apprendre au corps à courir après le vélo.
Peu importe le format de vos compétitions (Sprint, Olympique ou Longue Distance), ces enchainements, appelés « brick », sont nécessaires et vont vous permettre de déterminer la puissance à laquelle vous devriez faire la partie vélo et l’allure à laquelle vous êtes capable de courir ensuite. La durée des séances et leur nombre va évidemment varier selon le format du triathlon préparé.
Adopter les entrainements « Brick »
En triathlon, ce concept revient à enchainer deux disciplines en un minimum de temps pour simuler l’effort ressenti au cours d’un triathlon. On peut l’effectuer sous deux formats principaux : une discipline suivie d’une autre ou sous la forme d’un circuit répété. Dans le cas d’un triathlon au format sprint, il est préférable d’effectuer plusieurs enchainements vélo-course de courte durée mais à haute intensité. En revanche, pour un format longue distance (Ironman 70.3 ou Ironman), les enchainements vont être plus long et moins intenses.
Le corps et le cerveau apprennent par la répétition et s’adaptent aux contraintes auxquelles ils sont soumis. Adopter le brick training permet donc d’entrainer son corps à gérer les exigences aérobies, anaérobies et musculaires. Ces enchainements permettent aussi de développer la mémoire musculaire et ainsi une meilleure gestion du rythme et de l’effort au moment de la transition.
Adapter son entrainement à ses objectifs
L’effort produit au cours d’un triathlon courte distance étant très différent de celui produit au cours d’un triathlon longue distance, l’entrainement qui en découle va aussi varier. L’intensité d’une épreuve courte étant souvent proche ou supérieure au seuil anaérobie, l’athlète va devoir s’entrainer à répéter de courts enchainements vélo-cours à pied à très haute intensité. Cela aura pour effet de diminuer le coût énergétique de son déplacement et de limiter le temps d’adaptation entre les deux disciplines.
En revanche, pour une épreuve de longue distance, le facteur limitant sera principalement musculaire puisque l’intensité sera proche du seuil aérobie. S’habituer à effectuer des enchainements longs permettra au corps de se préparer au mieux pour le jour J. Il faudra donc s’entrainer, au moins une fois par semaine, à courir une vingtaine de minutes après ses sorties longues de vélo. Ceci permettra également de travailler sa nutrition de course et habituer son estomac à gérer la dépense énergétique entre les deux disciplines.

Quelques exemples d’entrainements pour réussir ses enchaînements
En début de saison, il est intéressant d’effectuer de simples sessions d’enchainement en endurance fondamentale pour réapprendre à courir après le vélo. Cela permettra ensuite de planifier des sessions plus intenses. Ces entrainements, utiles pour tous les formats de triathlon, sont donc composés de :
- 1 à 3h de vélo en endurance fondamentale
- 20 à 60 minutes de course à pied en endurance fondamentale
Pour préparer des triathlons courte distance, des multi-enchainements à haute intensité peuvent être effectués. Après un échauffement, cela permettra de répéter les efforts autour du seuil anaérobie, proche de la vitesse de course. Ces entrainements peuvent être réalisés avec un home trainer et sont généralement placés au cours du dernier cycle d’entrainement avant la compétition. Voici un exemple de séance :
- 15 minutes d’échauffement à vélo
- 10 minutes de vélo à la puissance de course cible
- 5 minutes de course à pied à la vitesse de course cible
- 3 minutes de récupération passive
- 8 minutes de vélo à la puissance de course cible
- 4 minutes de course à pied à la vitesse de course cible
- 10 minutes de récupération à vélo
Enfin, pour des triathlons longue distance, le multi-enchainement présenté ci-dessus peut être intéressant avant la période spécifique afin de développer son économie de course et sa résistance autour du seuil anaérobie. Cependant, à l’approche des compétitions, il est préconisé de planifier des sessions plus longues comprenant des blocs à allure de course. Voici un exemple de séance :
- Entre 2 et 3h de vélo comprenant 2 x 20 minutes à l’intensité cible
- 20 à 40 minutes de course à pied comportant 15 à 30 minutes à la vitesse