Pour 95 % des triathlètes, la natation est le sport le plus difficile et où les lacunes sont les plus grandes. Entre ceux qui n’aiment pas particulièrement nager, ceux qui peinent à s’investir et ceux qui perdent la motivation en n’arrivant pas à progresser, la natation a souvent le rôle du meilleur ennemi du triathlète.
Pourtant, en étant rigoureux et méthodique, vous pouvez passer d’un extrême à un autre du spectre en quelques années. Du travail technique, une bonne gestion de vos intensités et de l’encadrement sont des clés à cette progression.
Pour monitorer vos sessions et sortir satisfait du bassin, on vous présente le Critical Swim Speed (CSS) ou Vitesse Critique de Nage et son utilisation en triathlon !
Le Critical swim speed, qu'est-ce que c'est ?
Vous connaissez tous ce verbe qui est rentré dans le langage de nombreux coureurs et cyclistes : « seuiller » ! Et bien le CSS, c’est la même chose pour les nageurs. À l’image de votre FTP à vélo, la vitesse critique de nage est également une estimation de votre seuil lactique.
En natation, cela représente donc une approximation de la vitesse que vous êtes capable de maintenir sur 1500m. Cela n’est forcément pas aussi précis qu’une mesure de lactate effectuée pour contrôler exactement vos zones d’entrainement. Cependant, cela reste une excellente valeur à partir de laquelle planifier vos prochaines sessions.

Pour les triathlètes de longue distance, connaitre son CSS est d’autant plus important, car il vous permettra de définir vos allures de course. Avec de longs intervalles proches de votre vitesse critique de nage ou avec des répétitions « tempo » au CSS, vous allez développer votre système aérobie et votre économie gestuelle.
Couplée à un travail technique efficace, une planification cohérente de vos séances à partir du CSS pourrait vous permettre de sortir plus frais et plus rapidement de l’eau sur votre prochain triathlon !
Comment définir votre CSS ?
Le protocole en détail
Un peu comme le test 20 min pour définir votre FTP ou le demi-Cooper pour calculer votre VMA, il existe un protocole type pour calculer votre vitesse critique de nage. À l’inverse d’un test maximal en course à pied qui est très exigeant physiquement et mentalement, ce test peut être réalisé régulièrement (toutes les quatre semaines par exemple) pour constater vos progrès.
Pour définir votre CSS, vous aurez donc besoin de réaliser une séance découpée en trois temps : l’échauffement, le(s) test(s) et la récupération. Même si vous devez conserver un bon état de fraicheur pour le moment clé de la séance, votre échauffement doit être poussé pour que votre corps soit prêt à produire un effort maximal. Après quelques longueurs, vous pouvez également inclure quelques éducatifs pour placer votre technique. Faites aussi quelques 50m ou 100m progressifs pour élever votre niveau d’activation musculaire et nerveux.

Place maintenant au moment crucial avec deux efforts maximaux à réaliser : le premier sur 400 m et le second sur 200 m. Les deux distances doivent être nagés le plus vite possible tout en adoptant l’allure la plus régulière possible. Le but est de donner le maximum et de finir épuisé. Ne vous inquiétez pas, le temps de récupération en natation est beaucoup plus rapide.
Entre les deux tests, nous vous conseillons de laisser un temps de récupération de 10 à 15 minutes. Ici, libre à vous de faire ce qui vous convient. Vous pouvez par exemple effectuer une phase de repos passif avant de refaire quelques longueurs et d’entamer le test sur 200m.
Après votre test de 200m, vous n’aurez surement qu’une seule envie : sortir du bassin ! N’oubliez pas de faire quelques longueurs dans d’autres nages (dos, dos à deux bras, brasse) en guise de récupération musculaire. Vos dorsaux vous remercieront les jours suivants.
Comment calculer mon CSS ?
Vous êtes rentrés à la maison, vous avez synchronisé votre activité sur Strava, il est temps de calculer votre nouveau CSS ! Rassurez-vous, même si cette séance vous a épuisé, le calcul sera beaucoup moins fatiguant.
En utilisant la formule ci-dessous, vous obtiendrez votre CSS en m/s. Attention à bien convertir vos temps sur 400m et 200m en secondes pour le calcul. Pour convertir le CSS obtenu en vitesse par 100m, il faut diviser le résultat obtenu avec la formule par 100.

Interpréter les résultats
Vous avez maintenant votre valeur de CSS. C’est bien, mais ce n’est qu’un chiffre indicatif et comprendre le résultat vous permettra rapidement de cibler votre profil de nageur.
Par exemple, si vous remarquez que la vitesse maintenue sur le test de 400m est presque égale à celle sur 200m, vous faites partie des « diesels ». Vous serez donc capable de maintenir une vitesse proche de votre CSS pendant une durée assez importante.
Également, il est important de différencier un sprinteur et un nageur de longue distance, même s’ils peuvent avoir un CSS quasiment égal. En effet, le premier peut être très rapide sur 200m, bien plus que le nageur de longue distance, et se dégrader fortement sur 400m alors que le nageur de longue distance aura un meilleur temps.
Rentrer dans les détails de vos chronos vous permettra donc d’identifier précisément vos axes de travail. Analyser ses temps de passage à chaque 100 m en se faisant chronométrer par un ami peut aussi vous éclairer sur votre régularité dans l’effort.

Comment utiliser le css ?
Définir ses zones d'entrainement
Comme un test FTP à vélo ou un test VMA en course à pied, vous pouvez à présent définir vos différentes allures d’entrainement. De l’allure de récupération à la VO2 max, vos sessions seront désormais beaucoup plus précises et permettront d’avoir une méthodologie claire pour progresser en natation. Le CSS étant très individuel, les zones seront caractérisées en pourcentage de CSS qu’il faudra calculer.
Si on utilise un système à 5 zones, on a donc la trame suivante :
- zone 1 : 90% du CSS ou moins (allure facile ou de récupération)
- zone 2 : 91 à 95% du CSS (allure d’endurance à SV1)
- zone 3 : 96 à 100% du CSS (allure tempo)
- zone 4 : 101 à 110% du CSS (allure seuil à proche de la VMA)
- zone 5 : 110% du CSS et plus (allure VMA à sprint)
Pour un nageur qui a une vitesse critique estimée à 1’40″/100 m, cela donne les zones d’entrainement suivantes :
- zone 1 : 1’51″/100 m et plus lent
- zone 2 : entre 1’50″/100 m et 1’45″/100m
- zone 3 : entre 1’44″/100 m et 1’40″/100m
- zone 4 : entre 1’39″/100 m et 1’31″/100m
- zone 5 : 1’30″/100 m et plus rapide

Quelques pistes pour vos séances
Pour vous permettre de mettre en application la notion de CSS à l’entrainement, nous allons vous donner quelques exemples de sets à effectuer. Avant d’attaquer ces blocs, vous pouvez d’abord commencer votre séance par un échauffement de 400 à 1000 m, en alternant 2, 3 ou 4 nages. Vous pouvez aussi inclure quelques éducatifs et du travail avec matériel pour commencer à placer votre technique. En fin d’entrainement, veillez à effectuer un retour au calme de 100 à 400 m pour récupérer des efforts effectués.
Pour développer votre CSS, vous pouvez effectuer des intervalles au-dessus de cette allure en zones 4 et 5. Cela va vous permettre de nager des distances de plus en plus importantes au-dessus de votre vitesse critique de nage. Vous pourrez donc améliorer votre efficacité à haute intensité et maintenir ce niveau d’effort plus facilement. Vous pouvez donc effectuer des séries de 10 à 20 x 50 m en zone 5 avec 10″ de récupération entre chaque 50 m, ou des séries de 6 à 15 x 100 m en zone 4 avec 15″ de récupération entre chaque 100 m. Quand le nombre d’intervalles s’allonge, vous pouvez scinder la séance en plusieurs blocs.
À l’approche des courses, vous pouvez également inclure des intervalles « tempo » qui vont se rapprocher de l’intensité à laquelle vous allez nager le jour J. Un peu plus lent que votre CSS, ils permettront de développer votre résistance spécifique à l’effort. Aussi, avec l’usage d’un tempo trainer, ces intervalles vont améliorer votre régularité pour limiter les variations d’intensité et vous préserver énergétiquement. Vous pouvez donc réaliser un effort total de 1200 à 3000 m à allure de course, dépendant de la distance préparée, et découpé en plusieurs séries. Pour un triathlon M ou L, cela peut être 4 à 6 x 400 m, 2 à 3 fois 600 m ou 2 x 1000 m. Pour un triathlon XL, 5 à 7 x 500 m, 4 à 5 x 800m ou 2 x 1500 m sont de bonnes séances à l’image des sorties longues en course à pied et à vélo. Entre les séries, vous pouvez prendre de 30″ à 2′ de récupération suivant la longueur de l’intervalle.
Un petit outil très intéressant : le tempo trainer
Le tempo trainer, qu’est-ce que c’est ? C’est un peu comme votre ceinture cardio en course à pied ou votre capteur de puissance à vélo. Ce petit outil va pouvoir vous permettre de calibrer vos allures d’entrainement en réglant une durée d’intervalle à laquelle vous entendrez un petit « bip ». Placé sous votre bonnet de bain, vous n’aurez donc plus besoin de dénaturer votre nage à chaque virage pour regarder votre montre.
Généralement, le tempo trainer dispose de 3 modes d’utilisation :
- le 1ᵉʳ vous permet de régler la vitesse à laquelle vous devez nager chaque longueur. Si vous voulez nager à 1’40″/100 m en bassin de 25 m, l’outil émettra un « bip » toutes les 25″. Vous devrez vous assurer d’être à temps au mur pour être certain de nager au bon tempo.
- le 2d sera lié à un temps de départ donné. Par exemple, sur une série de 10 x 100 m départ 2′, le tempo trainer sonnera toutes les 2′ pour repartir sur votre nouvel intervalle. Vous devrez donc vous assurer de prendre suffisamment d’avance sur le « bip » à chaque virage pour vous assurer un temps de repos suffisant avant de repartir sur le prochain 100m.
- le 3ᵉ est spécifique à votre cadence de nage. Si vous avez tendance à nager trop en force ou trop en fréquence, ce mode peut être intéressant pour régler votre cadence.
